– L’archéologie requiert la création d’une anthropologie générale. L’approche transculturelle joue à la fois sur les ressemblances et les dissemblances.
***TESTART, A.1991. Pour les sciences sociales : essai d’épistémologie. Paris : Christian Bourgeois
Je viens de découvrir le livre essentiel d’Alain Testart 1991 et je ne comprends pas pourquoi il a eu si peu d’impact dans la communauté des anthropologues, à tel point que personne quasiment ne le cite et que j’en ignorais l’existence avant de le découvrir par hasard sur internet. La réflexion d’Alain Testart mérite pourtant d’être placée parmi les très grandes œuvres théoriques de la sociologie et l’anthropologie. Touchant aux fondements mêmes de ces disciplines, elle remet fondamentalement en cause les bases des sciences humaines en général. Une œuvre totalement dérangeante. Peut-être est-ce pour cela qu’elle a été accueillie avec autant de mépris.
***PASSERON, J.-C..1991. Le raisonnement sociologique : l’espace non popérien du raisonnement naturel. Paris : Nathan (Essais et recherches)
Bruno Boulestin nous avait récemment parlé du livre de Jean-Claude Passeron comme une alternative possible au livre d’Alain Testart (1991) Pour les sciences sociales : essai d’épistémologie. Il était donc important d’entrer dans la démonstration de ce livre, qui constitue certainement l’argumentation la plus développée et la mieux argumentée en faveur de la spécificité des sciences sociales et de leur irréductibilité aux sciences de la nature présentée comme des sciences nomologiques.
Au fil de nos travaux, nous n’avons cessé d’affirmer que toute interprétation fonctionnelle (économique, sociale, politique) des sociétés du passé nécessite des connaissances anthropologiques générales et requiert une vision transculturelle des phénomènes humains, vision qui ne suscite que peu d’intérêt de la part des anthropologues et des archéologues. Georges Guille Escuret est l’un des rares anthropologues à oser affronter ce défi à propos du cannibalisme. Nous avions participé aux réunions consacrées au cannibalisme du site néolithique d’Erxheim ; nous ne pouvons donc qu’être sensible aux travaux de notre collègue anthropologue. Nous prendrons ici l’exemple du cannibalisme africain qui illustre parfaitement les enjeux et les modalités d’une approche transculturelle d’un phénomène social.
Les fouilles du tumulus 43 de Santhiou Kohel ont livré un corps de chien dépecé accompagnant les deux premiers corps inhumés. L’article de Marguerite Dupire, associé à un second article publié dans la revue Antrhopos, permettent de préciser la signification du chien dans la mythologie sereer. Cette référence est essenteille car la sépulture de Santhiou Kohel est très proche dans sa structure des sépultures de cette population. Nous disposons ici d’un excellent exemple de la fécondité de l’ethnologie dans la compréhension de questions archéologiques.
***JEUNESSE, C., LE ROUX, P., BOULESTIN, B. (eds) 2016. Mégalithisme vivants et passés : approches croisées. Oxford : Archaeopress publishing ltd.Cette monographie résulte des deux rencontres de Strasbourg consacrées au mégalithisme. Nous
abordons ici la question qui nous a opposé à Alain Testart à propos de la relation entre sociétés à mégalithes et organisations lignagères segmentaires, une question qui nous semble trouver ici une solution.
Le livre d’Alain Testart sur l’évolution des sociétés de chasseurs nous paraît le livre le plus riche jamais écrit à popos de l’intégration de l’archéologie et de l’ethnologie dans la recherche d’un schéma général de l’évolution des sociétés humaines. Ce dernier pose implicitement sur le plan méhodologique une question essentielle concernant l’intérêt des méthodes cladistiques dans le domaine des sciences humaines (cf. point 2).
***BOËDA, E. 2013. Techno-logique et technologie : une paléohistoire des objets tranchants. archeo-editions.com
Le livre d’Eric Boëda propose une nouvelle lecture de l’évolution des outillages taillés tranchants en s’inspirant de la notion de tendance de Leroi-Gourhan, concept qu’il critique et auquel il donne une nouvelle signification. Au delà du caractère très technique de ses démonstrations, on retiendra ici la distinction essentielle qu’il opère entre les notions d’évolution et d’histoire, une perspective comparable à celle qu’utilise Alain Testart pour l’évolution des sociétés et celle que nous utilisons dans notre approche cladistique des sociétés ouest-africaines précoloniales. Ces trois réflexions apppportent à la notion de structure une perspective dynamique identique, que la vision traditionnellement synchronique de la structure ne possédait pas.
***GOULD, S. J. 2006. La structure de la théorie de l’évolution. Paris : Gallimard
Le livre de Stephen J. Gould, particulièrement sa présentation de la théorie des équilibres ponctués, fournit un modèle intéressant de la logique de l’interprétation historique en paléontologie, logique qui peut, sous un certain angle, être généralisé à l’ensemble de la démarche historique. Cette approche complète la problématique d’Alain Testart sur l’évolution des sociétés humaines.
Le livre offre une excellente démonstration de la manière dont on passe de l’examen d’une collection de faits apparemment hétéroclites à une interprétation relevant de la psychologie interculturelle, une approche qui permet, selon nous, de donner un contenu plus précis à la notion, jusqu’alors très vague et métaphorique, d’inconscient utilisé par les anthropologues.
Cette monographie signe le grand retour de La civilisation du renne et de l’utilisation explicite de l’ethnologie pour interpréter les vestiges de campements préhistoriques. Il était temps d’expliciter les savoirs, qui, qu’on le veuille ou non, ont joué un grand rôle dans l’interprétation de ce site.
Nous avons accordé une attention particulière à ce travail d’Augustin Holl malgré les nombreuses lacunes présentées par cette monographie car ces fouilles se trouvent au coeur de la question de la hiérarchisation des sociétés ouest-africaines protohistoriques. Ces prospections, situées dans une zone « marginale » par rapport aux zones de développement dites étatiques, constituent en effet un précieux jalon pour une question qui a essentiellement été abordée à travers les sites du Delta intérieur du Niger.
***CHAPELLE, J. 1982. Nomades noirs du Sahara : les Toubous. Paris : L’Harmattan
Un des enjeux de l’ethnoarchéologie : trouver dans le présent des faits matériels susceptibles d’être analysés au niveau archéologique et qui aient une signification sociale et politique.
Nous devons donc tester la possibilité d’utiliser des données ethnologiques subactuelles pour les appliquer à la compréhension des faits archéologiques du passé en l’occurrence le contexte social et politique du développement du monumentalisme funéraire ou rituel, qu’il soit mégalithique ou non mégalithique.
Dans cette optique le Sahara et l’Ethiopie constituent un terrain particulièrement favorable, notamment pour y étudier le marquage du cheptel comme expression d’une société lignagère acéphale. Le corpus retenu comprend les sociétés du phylum nilo-saharien (Toubou, Turkana, Nuer) et de la famille est-couchitique du phylum afro-asiatique (Ethiopie). Ces données sont confrontées à l’ethnologie du monde berbère (phylum afro-asiatique).
***BLENCH, R. 2006. Archaeology, language, and the african past. Lanham, New york, Torinto, Oxford : Rowman, & Littlefied publisher, Inc.
La mise ne correspondance des classifications linguistiques et des composantes culturelles, tant économiques que techniques, céramiques notamment, a soulevé de nombreuses discussions, notamment dans le cadre de l’histoire des populations indo-européennes. On sait combien la formule de Gordon Childe une langue, un pot, un peuple a été critiquée, souvent à juste titre.
Deux questions se posent à ce propos :
- Quelles sont les conditions du passage d’une classification des langues – phénétiques (proximités globales) ou cladistiques (processus de descendance avec modifications) – à une classification phylogénétique interprétable en termes historiques ?
- Quelle est la pertinence des racines linguistiques restituées au niveau des proto-langages pour définir un certain nombre d’innovations techniques et/ou économiques ?
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