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Aux sources d’un destin familial
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Mes parents ont passé dans ces montagnes certainement les plus heureuses années de leur vie, ce qui peut paraître paradoxal en pleine guerre mondiale. Il faut accepter de vivre dans la contradiction.
Alain Gallay
Lors de la dernière guerre, entre 1940 et 1946, Robert Gallay et Evelyne Gallay-Baron son épouse (accompagné de leur fils Alain) ont séjourné chaque été au Tessin pour peindre et dessiner. Nous avons décidé de créer une donation en faveur du Musée de Cevio dans le Val Maggia pour les oeuvres de cette époque qui constituent un important corpus témoignant de la vie rurale de ce canton à cette époque.
Né à Plainpalais le 5 juillet 1907, Robert Gallay est le fils du menuisier Eugène Gallay et de Marie Léontine Volery. Il entre à l’Ecole des beaux-arts de Genève en 1923 pour suivre une formation de dessinateur architecte. Il obtient son diplôme en 1928, de même que le prix spécial de la Société des ingénieurs et architectes (SIA) pour le meilleur recueil de croquis. A côté des cours spécifiques à sa formation, Robert Gallay fréquente différentes classes artistiques: figure, composition dc figures, ornement, modelage, histoire de l’art. Il est, durant quelques années, 1’assistant (massier) du peintre Philippe Hainard (1879-1938), professeur à 1’Eco1e des beaux-arts et père du graveur animalier Robert Hainard. Des études partagées rapprocheront les deux élèves. Robert Gallay emménagera avec son épouse dans l’atelier de son ancien professeur, rue Charles Galland à Genève, où naîtra leur fils Alain. A la fin de sa formation, i1 travaillera comme ensemblier et dessinateur de meubles, puis se consacrera essentiellement à la peinture. Robert Gallay et sa femme Evelyne Gallay-Baron, sculptrice, habitent à Carouge durant quelques années. Grand montagnard et attiré par la nature et la vie paysanne, i1 se rend tout d’abord pour peindre en Maurienne et en Tarentaise.
Pendant la guerre, il sera astreint à de longues périodes de mobilisation dans l’artillerie de montagne en Valais, un engagement qui lui fera perdre son emploi de dessinateur.
Dès l’été 1940, le retrait de l’armée dans le «réduit » fut un soulagement pour l’armée, car la défense de la forteresse alpine demandait moins de troupes que la couverture des frontières. Le Conseil fédéral introduisit alors un système de permissions qui, sans démobiliser les unités, libérait un certain pourcentage des effectifs pour faciliter la poursuite de la vie économique. Les séjours de Robert Gallay au Tessin doivent, pensons nous, être compris dans cette perspective.
Ne pouvant plus se rendre en France du fait de la fermeture des frontières, la famille Gallay découvre le Tessin à Arzo, et probablement également à Prato, en 1940. Dès l’année suivante, il établit ses quartiers d’été dans ce village du val Maggia où la famille Gallay loge dans une salle de classe de l’école du village, désaffectée pendant les vacances scolaires, et se lie d’amitié avec la famille Poncetta qui tient l’épicerie du village.
Fidèle à Prato, où il retourne chaque été, il parcourt de là, avec sa femme et son fil, de 1940 à 1946, pratiquement toutes les vallées de ce canton, en train, en bus, à bicyclette et à pied. Il peint alors de nombreux paysages et quelques portraits et croque les scènes de la vie paysanne qui lui fourniront les sujets de nombreuses compositions de figures réalisées à Genève en atelier. Son épouse, en profite pour réaliser de nombreux dessins de paysages. Leur fils est conquis par ce milieu montagnard qui contraste avec la grisaille de la ville et se découvre alors, malgré son jeune âge (2 à 8 ans), une vraie passion pour la nature, les torrents alors encore sauvages, les roches et la vie rurale d’alors, passion qui le conduira vers des études de sciences naturelles et d’ethnologie.
L’oeuvre de Robert Gallay se situe dans la perspective des « peintres de la montagne » que l’on désigne, abusivement, sous le terme d’ « Ecole de Savièse ».
Pour le peintre valaisan Albert Chavaz (1907-1990), peintre le plus récent rattaché à ce groupe et contemporain de Robert Gallay, « L’école de Savièse, ça n’existe pas, ça n’a jamais existé. Pour qu’il y ait une école, il faut que des gens partagent quelque chose dans leur travail: ce n’était pas le cas ici. La seule chose qui nous rapprochait, c’était le lieu. »
Les peintres de cette mouvance, intéressés par la montagne et ayant occupé à un moment ou à un autre le village de Savièse en Valais, s’étagent en effet sur une très longue période allant de la fin du 19ème siècle (Henri van Muyden 1860-1936) à Fred Fay (1901-1987) dans les années 90 en passant par Raphy Dallèves (1878-1940) et Edouard Vallet (1876-1929). Ils n’ont en commun que leur intérêt pour le Valais.
Robert Gallay, qui n’a jamais séjourné à Savièse et dont on connaît seulement quelques croquis de femmes en costumes d’Evolène (non datés), peut difficilement être rattaché à ces peintres. Ils ne s’est jamais revendiqué d’une école et a toujours tenté de suivre une voie de recherche picturale personnelle.
Après la guerre, Robert Gallay obtiendra quelques mandats pour des projets d’architecture (villas, réfection d’immeubles). Il orientera ses voyages, source d’inspiration, vers la France (Provence, Rouergue) et l’Italie (Toscane, Ombrie). Sa peinture subira une évolution importante en devenant plus colorée et plus schématique avec la recherche de rendus pointillistes.
Robert Gallay est mort à Genève le 5 mars 1986. Deux notations découvertes dans ses notes de terrain le situent en admirateur du monde paysan tessinois d’alors et des productions artistiques de ce canton et sensible aux inégalités sociales de l’époque :
“Quand comprendra-t-on qu’il faut puiser (son inspiration artistique) dans le savoir de ces paysans qui mettaient tout leur coeur à leur travail.”
“Pourquoi un clergé si riche et des gens si pauvres ? Voilà ce qui frappe, une humilité, que le dur travail et le dur pays a laissé sur le visage, le corps et l’âme de ces gens.”
Cet artiste reste un témoin privilégié d’une époque, celle d’une société paysanne encore préservée, à l’abri des bouleversements continentaux de la Seconde Guerre mondiale.
Genève : Athénée, exposition permanente
Genève : Muséc Rath, exposition d’art alpin
Genève : Athénée, salle Crosnier, classe des Beaux Arts, exposition personnelle
Genève : Palais des expositions, Foire de Genève, Pavillon des arts
Genève : Athénéc, Salle Crosnier, Classe des Beaux Arts, exposition personnelle
Genève : Muséc Rath, Juzé Katiliute-Stanulis, Samuel Melchert, Robert Gallay, Evelyne Gallay-Baron
Paris : lieu non identifié
Genève : Musée Rath, Société des peintres, sculpteurs et architectes suisses
Genève : Athénée, Rétrospective Robert Gallay et Evelyne Gallay-Baron
Née à Plainpalais le 31 mars I901, Alice Louise Evelyne Baron est la fille de l’horloger carougeois Edouard Baron (et non de David Etienne Edmond Baron comme indiqué dans le dictionnaire carougeois, en fait son grand père). En 1920, Evelyne Baron entre à l’Ecole des beaux-arts et suit les cours de figure, de composition de figure, d’ornement; elle fréquente également des cours destinés aux architectes, en particulier ceux de projection. Mais c’est la sculpture qui l’attire et elle intègre la classe de modelage de James Vibert à l’Ecole des beaux-arts ainsi que celle de Maurice Sarkissoff à l’Ecole des arts industriels. Elle se distingue par des résultats excellents, que ce soit dans les cours pratiques ou ceux oraux (histoire de l’art ou anatomie et physiologie plastiques). Elle termine sa formation en 1926 et se rend en 1927 à Paris où elle fréquente les ateliers des sculpteurs Henri Bouchard (I875-I960) et Edouard Chassaing (1895-1974).
Sportive, très tôt initiée à la montagne, elle participe cette même année 1927 à la seconde expédition du photographe genevois Frédéric Boissonnas en Grèce et est la première femme, en compagnie d’une autre femme alpiniste, à atteindre le sommet de l’Olympe, jusqu’alors interdit au sexe dit faible. Les archives iconographiques genevoises possèdent également plusieurs photographies d’Evelyne Baron prises en studio en 1932 par Fred Boissonnas.
Elle épouse en 1932 le peintre Robert Gallay qu’elle a rencontré lors de ses études à l’Ecole des beaux-arts. Elle fera quelques voyages d’étude, en I933 en Italie, en I935 en Bourgogne et en I936 en Provence.
Evelyne Gallay-Baron travaille la terre glaise, la pierre, la pierre artificielle et fait couler certaines de ses sculptures en bronze. Elle est l’auteur de statues de petits formats, dont les sujets sont des bustes ou des nus féminins, ainsi que des portraits d’enfants et d’adultes pour lesquels les membres de sa famille lui ont souvent servi de modèles. Evelyne Gallay-Baron a aussi créé des fontaines.
Lors de ses séjours au Tessin elle réalise entre 1940 et 1946, aux côtés de son mari, de très nombreux dessins de paysages.
Parallèlement à son travail personnel, elle enseigne le dessin à l’Ecole supérieure de jeunes filles de Genève dès I932 et jusqu’à se retraite. Membre dc la Société des femmes peintres et sculpteurs, elle participe à de nombreuses expositions, cantonales et nationales.
Evelyne Gallay-Baron est morte à Genève le 20 juillet I985.
Genève : Palais des expositions, 2ème Salon rhodanien,
Genève : Musée Rath, Société suisse des femmes peintres, sculpteurs et décorateurs, section dc Genève,
Neuchâtel : Galerie Léopold Robert ct Genève, Musée Rath, Société suisse des femmes peintres, sculpteurs et décorateurs,
Genève : Musée Rath, exposition d’été des artistes genevois,
Lausanne : Aarau, Soleure ct Lucerne, exposition itinérante de la Société suisse des beaux-arts,
Berne : Kunstmuseum, exposition nationale des beaux-arts,
Zurich : Kunsthaus et Kunstgewerbemuseum, Société suisse des femmes peintres, sculpteurs et décorateurs,
Bâle : Kunsthalle, Société suisse des femmes peintres, sculpteurs et décorateurs,
Lausanne : Palais dc Rumine, Société suisse des femmes peintres, sculpteurs et décorateurs.
Genève : Palais des expositions, Foire de Genève, Pavillon des arts,
Genève : Musée Rath, XXe exposition rétrospective de la Société suisse des femmes peintres, décorateurs,
Genève : Musée Rath, Juzé Kuriliulé-Slanulix. Samuel Melchert, Robert Gallay et Evelyne Gallay-Baron,
Genève : Musée Rath, Association professionnelle des sculpteurs de Genève,
Genève : Musée Rath, Société des peintres, sculpteurs et architectes suisses,
Genève : Palais des expositions, exposition nationale de la Société suisse des femmes peintres, sculpteurs et décorateurs,
Carouge : Galerie carougeoise Delafontaine, Société suisse des femmes peintres, sculpteurs et décorateurs, section de Genève.
Alain Gallay:
Modifié et complété d’après Marquis, J.-M. (ed.). Dictionnaire carougeois, tome 84b : arts à Carouge : peintres, sculpteurs et graveurs.
Le fonds Robert Gallay et Evelyne Gallay-Baron, actuellement en possession de leur fils Alain Gallay à Genève, comporte des peintures, des dessins, des photographies et quelques notes prises par Robert Gallay, essentiellement en 1942.
Cette production couvre la période de 1940 à 1946, soit l’époque de la seconde guerre mondiale.
Pendant cette période Robert, Evelyne Gallay-Baron, son épouse et leur fils ont parcouru l’ensemble des vallées du Tessin à partir de Prato, val Maggia, où la famille avait établi ses quartiers d’été en profitant des vacances scolaires pour loger dans une salle de classe de l’école (actuellement la mairie du village). L’identification des lieux fréquentés est rendu quelque peu difficile dans la mesure où les sujets représentés, tant chez Robert que chez Evelyne, essentiellement des paysages, ne sont, le plus souvent, ni datés, ni identifiés géographiquement.
Les recoupements opérés permettent néanmoins de situer chronologiquement les divers déplacements effectués au cours de cette période. La famille Gallay semble avoir découvert le village de Prato dès 1940, bien qu’elle ait séjourné cette année là à Arzo. Un dessin à la mine de plomb de Robert Gallay, daté de cette année, concerne en effet l’alpage de Rima au-dessus de Prato (C2 : 10, 10/8-IMG_0148, banque de données complémentaire).
Voir également : http://www.archeo-gallay.ch/3_01Gallay2.html.
Nous avons également jugé utile de joindre au fonds les œuvres réalisées avant la guerre sur la période 1934-1939 en Savoie, notamment en Tarentaise et en Maurienne. Cette période correspond en effet à la découverte de la vie traditionnelle montagnarde par les deux artistes et annonce le regard avec lequel ils aborderont le Tessin pendant la période de la guerre. Les œuvres de Robert Gallay de cette époque réunissent des paysages d’après nature, ainsi que des croquis de terrain destinés à être utilisés dans des compositions de figures, enfin plusieurs compositions de figures réalisées en atelier, soit plus une soixantaine d’œuvres. Une série de croquis de personnages réalisés pour des compositions de figures, sont datés de 1940 et ont très probablement été dessinés en atelier au début de l’année avant le premier séjour estival tessinois, la situation internationale ne permettant plus alors des séjours en France (C2 : 83 à 88). Rappelons que l’invasion allemande de la France se situe entre mai et juin de cette année, bien que les frontières de la Suisse n’aient été fermées qu’en 1942. Notons dans ce lot quelques dessins de paysages d’Evelyne Gallay qui annoncent également ses dessins tessinois. L’un deux, daté de 1968, montre que la famille est retournée dans ces régions après la guerre (C2 : 81/12c-IMAG-0193). Dès cette époque Robert Gallay réalise des compositions de figures mettant en scène des montagnards, alors qu’Evelyne effectue des dessins de paysage. Les lieux mentionnés concernent la Tarentaise et la Maurienne (Saint Martin-de-Belleville, Valezan). Le dessin identifié « Saint Sorlin » est plus difficile à localiser étant donné la présence de plusieurs toponymes de ce nom (C2 : 77/11-IMG-0074). La vue d’un paysage exécuté en atelier, publié dans le fascicule de l’exposition de 1984, indique « hameau de Saint-Sorlin, Maurienne ».
La production tessinoise se répartit en deux ensembles. Le premier, peu important, couvre la période 1940-1941. On trouve notamment pour 1941 de nombreuses esquisses pour la réalisation d’une composition de figures « la fête au village ». Le second, plus prolifique, couvre la période 1943 à 1946.
Aucune production ne date apparemment de 1942, été où Robert, Evelyne Gallay et leur fils ont exploré plusieurs vallées, semble-t-il, sans effectuer de peintures ou de dessins ( ?).
Un portrait de moyen format représentant Mlle Poncetta de Prato, daté de 1950, a probablement été réalisé sur place au Tessin, mais retouché en atelier, ce qui justifie la date tardive indiquée sur la peinture.
Le fonds des œuvres tessinoises se compose comme suit :
– 15 peintures de terrain, grands formats
– 7 peintures de type compositions de figures réalisées en atelier, grands formats
– 24 peintures de terrain, paysages petits formats
– 21 dessins, paysages d’après nature
– 5 dessins, portraits de gens de Prato, val Maggia
– 9 esquisses, petits formats pour des compositions de figures, dont une gouache
– 274 dessins au crayon comprenant essentiellement des croquis de préparation pour des compositions de figures et pour des scènes rurales réalisées à la mine de plomb (ci-dessous)
– 24 scènes rurales réalisées à la mine de plomb en atelier, notamment sur la base de photographies.
– 51 dessins de paysages.
Divers
– 5 dessins d’attribution incertaine
Une banque de données a été réalisée sur File Maker Pro ; elle regroupe deux corpus et permet d’avoir une bonne idée des composantes de ce fonds (C1 : 372 entrées et C2 :100 entrées). Les différents thèmes se répartissent en 15 ensembles, comme suit :
Le fonds comprend également :
– 2 albums de photographies noir-blanc comprenant des vues de paysages présentant un intérêt historique et documentaire certain. Nous n’avons pas pour l’instant retrouvé les négatifs. Les 402 photographies du corpus ont été scanées en 600 dpi (voir annexe).
– quelques notes de terrain datant essentiellement de 1942.
Les photographies constituent des documents essentiels pour comprendre l’engagement des deux artistes au Tessin. Trois éclairages sont possibles.
Les photos permettent de se faire une idée de l’organisation des séjours des deux artistes et de leur fils. Des nombreuses personnes sont venues rendre visite à la famille Gallay à Prato. Elles logeaient également dans école et se retrouvaient sur la petit terrasse dominant la place, située sur le côté du bâtiment.
Nous pouvons identifier sur les photos des membres de la famille Gallay au sens large et quelques amis montagnards qui ont essentiellement séjourné à Prato et n’ont pas accompagné les artistes dans les autres vallées, à l’exception d’Yvonne Baron. Nous pouvons mentionner ici :
Tout d’abord Yvonne Baron, soeur d’Evelyne et marraine d’Alain, qui a participé à de nombreux séjours et a probablement été la seule à accompagner la famille dans ses excursions à travers le Tessin en dehors de la région de Prato. Nous pouvons notamment l’identifier à Arzo et au val Bavona en 1942, ainsi que dans le val Campo en 1942 ou 1945 où elle accompagne la famille Gallay à vélo (photo 215).
A Prato même, nous repérons : Ida Hornung-Gallay et son mari l’architecte Emile Hornung, Hélène Grelly-Sené dont la mère était une Gallay et son mari René Grelly fondateur de la maison Grellor à Genève, M. et M. Chollet, des amis montagnards, plus exceptionnellement Marthe Baron, soeur aînée d’Evelyne, Marie Gallay-Volery, la mère de Robert et Edouard Baron, le père d’Evelyne.
Réservons une place spéciale à Véronique Hornung, la nièce parisienne d’Emile Hornung, venue passer à plusieurs reprises des vacances à Prato, grâce aux programmes de la Croix Rouge qui gérait pendant la guerre l’accueil temporaire en Suisse d’enfants français et belges.
On remarquera par contre l’absence de Marcel Gallay, le frère de Robert, fortement handicapé suite aux gelures contractées en 1938 lors de la première traversée hivernale des Aiguilles du Diable dans le massif du Mont Blanc en compagnie du guide Raymond Lambert.
Les photos autres que familiales sont essentiellement consacrées à l’architecture traditionnelle. On y décèle la coexistence d’une architecture paysanne alpine et d’une architecture « savante » concernant les édifices religieux influencés par le Baroque italien. Il s’agit d’une documentation essentielle sur le bâti tessinois tels qu’il se présentait pendant la guerre.
Nous découvrons essentiellement une vision d’architecte. Les personnages sont curieusement absents des prises de vue. Seules quelques unes présentent des personnages photographiés de loin, et souvent de dos. On y décèle une certaine pudeur et une certaine timidité face aux gens du pays. Nous connaissons cette réserve qui était également la nôtre lors de nos premiers séjours africains et dont nous avons mis plusieurs années à nous affranchir.
Exemplaire de ce mode de perception est le cas des cadres de séchage de Valmaglia dans le val Blenio. Plusieurs photos sont consacrées à ce type de construction, mais sont sans personnages. Robert a par contre réalisé de nombreux croquis de paysans en train d’installer les gerbes de seigle. Les scènes agricoles et les attitudes des personnages étaient documentées par le dessin, non par la photo. Robert Gallay préférait réaliser des croquis plutôt que de photographier des personnages de près.
On note une seule exception avec des vues des processions religieuses de Mezzonio. Ici plusieurs croquis sont directement inspirés des photographies prises sur le vif (photos 87, 122 à 126), mais il s’agit de photographier une collectivité, non des individus.
Le corpus des photographies constitue un très bel ensemble par ses qualités esthétiques, que ce soit au niveau des cadrages ou du choix des lumières, souvent des contrejours. Robert Gallay n’te rectagulaire roposée par la irme Kodak dès les années 1900 sans réglage possiblesgerbes. Robert Gallay préférait réalisr des était pas seulement un peintre, mais un photographe de talent, ceci malgré un matériel rudimentaire.
L’appareil utilisé était une boîte rectangulaire dont les premiers exemplaires avaient été proposés par la firme Kodak dès les années 1900. Il n’y avait pas de réglages fins possibles. Il devait s’agir d’une boîte Kodak Brownie no 2, mis en circulation entre 1928 et 1935.
L’appareil était tombé lors d’une ascension dans les Dolomites. Il fallait donc, à chaque chargement de film, coller des sparadraps sur les joints pour éviter que la lumière extérieure ne pénètre.
Les défauts techniques, notamment quelques voilages dus à une mauvaise étanchéité de la boîte, n’hypothèquent pas l’ensemble. Malgré des mises au point peu précises dues à une optique élémentaire, nous découvrons des photos de qualité esthétique indéniable qui peuvent constituer un excellent jalon dans l’histoire de la photographie.
L’ensemble des travaux de Robert Gallay, peintures, dessins et photos, donne, à travers son cadre formellement construit, une idée diversifiée de la vie économique et sociale traditionnelle tessinoise pendant la dernière guerre : travaux des foins, récolte du seigle, ramassage des feuilles en forêt, bûcheronnage, vie domestique, vie religieuse et même divertissements. Pour Robert Gallay, cette approche se développe essentiellement à travers des esquisses de terrain très rapidement enlevées, mais un très important travail de réflexion esthétique en atelier, une fois retourné à Genève, avec, en perspective, des compositions de figures très construites et réfléchies. On passe donc de la rencontre fortuite et éphémère avec les gens, sorte d’illumination quasi instantanée, à une réflexion en chambre très élaborée. Paysages à l’huile et certains dessins de paysages à la mine de plomb témoignent par contre d’un travail de terrain soutenu.
L’intérêt principal des deux artistes reste pourtant, sur le terrain, l’architecture, tant séculière que religieuse, et l’inscription des agglomérations villageoises dans le paysage. L’histoire de l’art sensu lato se combine alors avec l’attrait des deux artistes pour la montagne dans une approche essentiellement empathique et herméneutique ne débouchant pas sur une analyse socio-économique approfondie.
L’influence de la formation architecturale des deux artistes reste donc, à nos yeux, primordiale. Nos parents nous parlaient souvent de l’attrait qu’avait eu pour eux, aux Beaux arts de Genève, l’enseignement de la géométrie descriptive, cette analyse formelle qui permet de concevoir des assemblages de pierres taillées d’une extrême complexité.
L’approche reste donc essentiellement artistique. La rencontre empathique avec le Tessin débouche sur des productions, certes construites sur le plan formel, mais relègue en arrière plan l’analyse anthropologique.
Nous nous attacherons, au cours de notre existence, à gérer cet héritage et à résoudre cette contradiction essentielle.
Alain Gallay, janvier 2016