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Gretel Hensler 6 septembre 1941 - 17 janvier 2010

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Genève, le 29 janvier 2010

Dernière lettre à Gretel

Gretel, mon amie de toujours,

 

Je ne t'aurai jamais revue. Tu as disparu. Tristesse et révolte.

Cela fait la deuxième fois que tu me quittes.

A ton habitude, sans rien dire, d’un coup.

A chaque fois c’est le déchirement. Une partie de moi-même s’en va.

Tu es sans pitié pour les vivants.

Je suis retourné hier à Auvernier pour te retrouver et, longuement, te parler.

Le ciel était bas et gris ; il neigeait un peu, mais il ne faisait pas froid.

 

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Je n’ai pas reconnu les lieux.

Les berges du lac ont été totalement bouleversées. Nos souvenirs sont désormais recouverts de terre et de béton.

Les gens s'en vont, indifférents, sur les cendres de nos amours, de nos vies, pressés d’aller retrouver au plus vite les vanités de ce monde.

Où nous nous sommes aimés, dans l’ombre épaisse des grands arbres éclairés par la lune, une autoroute passe désormais et le bruit des voitures a remplacé les cris des oiseaux aquatiques, très doux la nuit dans les roseaux.

Un nœud routier retient désormais prisonniers les tristes restes de ce qui fut un coin de paradis où nos avons vécu parmi les plus belles heures de nos existences communes.

Ainsi va la vie, brutalement, qui veut effacer jusqu’aux moindres traces de nos souvenirs, sans pitié.

 

J’ai pourtant trouvé un coins calme sur la nouvelle berge, que les gens d’aujourd’hui nomment « promenade ».

Il faut désormais des espaces aménagés et pensés par des aménageurs, des prés et des bois bien disciplinés avec des poubelles en plastique et des bancs, pour faire croire aux gens qu’ils retrouvent la nature.

Le lieu était désert.

Entre deux pierres de l’enrochement englacé sous des buissons couverts de stalactiques de glace, brillantes, seules et muettes dans la pâle lueur de l’hiver,

j’ai déposé une bouquet de roses rouges et allumé une bougie.

Traces de sang et espoir entre les roches grises et froides.

Pour que tu te souviennes de moi, toujours, et pour que tu vives désormais en paix.

 

Je n’ai jamais bien compris ce qui était arrivé.

Ou je l’ai deviné, un peu. J’aurais peut-être préféré le bruit et la fureur, pour mieux savoir.

Mais ce n’était pas ton tempéramment.

Pardonne-moi si je t’ai fait du mal. C’est le moment.

J’aimerais aussi te remercier pour la lumière que tu m’as apportée. Du fond de mon cœur.

Je t’embrasse très fort.

Adieu

Alain

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